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Montage d'une peinture qui montre le "Normandy"
et que j'ai utilisé comme base, vu que je n'ai rien trouvé d'autre.
Je ne suis pas sûre que ce soit ce bateau... |
Un autre cours que j'ai eu (et qui d'ailleurs était mon préféré) c'était Méthodes de la BD, avec pour prof l'illustrateur Carlos Pinheiro (http://lobodomato.wordpress.com/). On a fait une succession de BD de plus en plus élaborées dont je ne vais ici montrer que les deux dernières.
Pour commencer, une sur le texte de Victor Hugo:
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Collision dans la brume
Victor Hugo nous raconte comment sombra l’un des plus beaux bateaux en service sur la
Manche. "
Dans la nuit du 17 mars 1870, le capitaine Harvey faisait son trajet habituel de Southampton à Guernesey. Une brume couvrait la mer. Le capitaine Harvey était debout sur la passerelle du steamer et manœuvrait avec précaution, à cause de la nuit et du brouillard. Les passagers dormaient.
Le Normandy était un très grand navire, le plus beau peut-être des bateaux-poste de la Manche, six cents tonneaux, deux cent vingt pieds anglais de long, vingt-cinq de large ; il était « jeune », comme disent les marins, il n’avait pas sept ans. Il avait été construit en 1863.
Le brouillard s’épaississait, on était sorti de la rivière de Southampton, on était en pleine mer, à environ quinze milles au-delà des Aiguilles. Le paquebot avançait lentement. Il était quatre heures du matin.
L’obscurité était absolue, une sorte de plafond bas enveloppait le steamer, on distinguait à peine la pointe des mâts.
Rien de terrible comme ces navires aveugles qui vont dans la nuit.
Tout à coup dans la brume une noirceur surgit, fantôme et montagne, un promontoire d’ombre courant dans l’écume et trouant les ténèbres. C’était la Mary, grand steamer à hélice, venant d’Odessa, allant à Grimsby, avec un chargement de cinq cents tonnes de blé ; vitesse énorme, poids immense. La Mary courait droit sur le Normandy.
Nul moyen d’éviter l’abordage, tant ces spectres de navires dans le brouillard se dressent vite. Ce sont des rencontres sans approche. Avant qu’on ait achevé de les voir, on est mort. La Mary, lancée à toute vapeur, prit le Normandy par le travers, et l’éventra. Du choc, elle-même, avariée, s’arrêta.
Il y avait sur le Normandy vingt-huit hommes d’équipage, une femme de service, et trente et un passagers, dont douze femmes.
La secousse fut effroyable. En un instant, tous furent sur le pont, hommes, femmes, enfants, demi-nus, courant, criant, pleurant. L’eau entrait furieuse. La fournaise de la machine, atteinte par le flot, râlait. Le navire n’avait pas de cloisons étanches ; les ceintures de sauvetage manquaient.
Le capitaine Harvey, droit sur la passerelle de commandement, cria : « Silence, tous, et attention ! Les canots à la mer. Les femmes d’abord, les passagers ensuite. L’équipage après. Il y a soixante personnes à sauver. »
On était soixante et un. Mais il s’oubliait.
On détacha les embarcations. Tous s’y précipitaient. Cette hâte pouvait faire chavirer les canots. Ockleford, le lieutenant, et les trois contremaîtres continrent cette foule éperdue d’horreur. Dormir, et tout à coup, et tout de suite, mourir, c’est affreux.
Cependant, au-dessus des cris et des bruits, on entendait la voix grave du capitaine, et ce bref dialogue s’échangeait dans les ténèbres :
« Mécanicien Locks ?
– Capitaine ? – Comment est le fourneau ? – Noyé. – Le feu ? – Éteint. – La machine ? – Morte. »
Le capitaine cria : « Lieutenant Ockleford ? » Le lieutenant répondit : « Présent. » Le capitaine reprit : « Combien avons-nous de minutes ? – Vingt. – Cela suffit, dit le capitaine. Que chacun s’embarque à son tour.»
«Lieutenant Ockleford, avez-vous vos pistolets ? – Oui, capitaine. – Brûlez la cervelle à tout homme qui voudrait passer avant une femme. »
Tous se turent. Personne ne résista, cette foule sentant au-dessus d’elle cette grande âme.
La Mary, de son côté, avait mis ses embarcations à la mer, et venait au secours de ce naufrage qu’elle avait fait.
Le sauvetage s’opéra avec ordre et presque sans lutte. Il y avait, comme toujours, de tristes égoïsmes; il y eut de pathétiques dévouements.
Harvey, impassible à son poste de capitaine, commandait, dominait, dirigeait, s’occupait de tout et de tous, gouvernait avec calme cette angoisse, et semblait donner des ordres à la catastrophe. On eût dit que le naufrage lui obéissait.
À un certain moment il cria :
« Sauvez Clément. »
Clément, c’était le mousse. Un enfant.
Le navire décroissait lentement dans l’eau profonde. On hâtait le plus possible le va-et-vient des embarcations entre le Normandy et la Mary.
« Faites vite », cria le capitaine.
À la vingtième minute le steamer sombra.
L’avant plongea d’abord, puis l’arrière.
Le capitaine Harvey, debout sur la passerelle, ne fit pas un geste, ne dit pas un mot, et entra immobile dans l’abîme. On vit, à travers la brume sinistre, cette statue noire s’enfoncer dans la mer. Ainsi finit le capitaine Harvey.
Pas un marin de la Manche ne l’égalait. Après s’être imposé toute sa vie le devoir d’être un homme, il usa en mourant du droit d’être un héros.
Victor HUGO, Choses Vues, 1846."
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mise en page |
Pour ce travail j'ai utilisé l'encre de chine, et j'ai du faire mon dessin le plus précis possible car c'était un fait historique. Le capitaine a un peu de
Corto Maltese de Hugo Pratt, mais j'ai prit aussi papa comme modèle parce qu'il a la même barbe!